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Les malheurs de la Sega Saturn : comment Sega a du cesser d'être un fabricant de console

Article posté le 24-11-2021 dans la catégorie Histoire et Technologie

Article mis à jour le : 26-08-2023

En 1994, Sega lance sa console 32 bits la Saturn. Présentée comme révolutionnaire, la console va en fait entrainer la marque au bord de l'abîme.

For the english version of this article, it is here.

Avant de commencer, quelques acronymes :

Introduction: 1992-1994, le conception de la Saturn et une longue liste d'erreurs

Initialement je ne souhaitais pas écrire une longue introduction sur ce sujet, mais cela est devenu rapidement diffiçile de tenir cet engagement, même impossible (en fait l'introduction sera certainement la partie la plus longue de l'article). Ainsi dans un premier temps ce gros paragraphe servira d'un long rappel à ceux qui ont connu cette époque ou alors d'une rapide présentation à ceux qui ne l'ont pas connue.

Alors allons-y. Dans les années 80 une entreprise nommée Sega est devenue une des deux plus grosses sociétés du secteur des jeux-vidéo, active à la fois en tant qu'éditeur, studio, mais aussi dans la fabrication de matériel, console et arcade, ce dernier type de matériel ayant aujourd'hui pratiquement disparu du monde occidental. Sega se trouvait alors juste derrière une entreprise que nous surnommons aujourd'hui "Big N" : Nintendo. Alors que Nintendo dominait le marché japonais, Sega mis toutes ses forces pour acquérir la domination sur les deux autres gros marchés mondiaux : l'Amérique du Nord dans un premier temps, et l'Europe ensuite (après les nombreux efforts d'entreprises européennes pour les convaincre de l'intérêt de ce marché). D'abord avec la Master System, puis avec la Mega Drive (Genesis en Amérique du nord, car le nom Mega Drive était déjà utilisé par une autre entreprise). En quelques années, cette entreprise fondée après-guerre et qui avait d'abord connu le succès avec les machines à sous puis les salles d'arcade était devenue une des entreprises les plus connues au monde, une popularité représentée par sa mascotte, le hérisson bleu Sonic, née à la fin de cette décennie pour incarner la concurrence face au plombier moustachu de Nintendo. Pour y arriver, Sega sut nouer des partenariats solides avec EA, Disney... et même travailler un temps main dans la main avec le studio de Sony, un partenariat qui malheureusement n'ira pas plus loin, notamment à cause des réticences de Sega.

 

Sonic

La création de la mascotte fut un succès pour Sega, l'entreprise la rendant presque aussi célèbre que Mario.

Au delà de cette confrontation recherchée par Sega, plusieurs choses différenciaient les deux entreprises. Nous pouvons en mentionner deux : tout d'abord alors que Nintendo se donnait une image d'entreprise sympathique s'adressant à toute la famille, Sega cibla les rebelles, les punks, les adolescents, et attaqua de manière extrêmement agressive son concurrent, d'une manière qui peut fortement surprendre aujourd'hui. Ensuite, si Nintendo essayait toujours de construire un matériel avec des composants éprouvés, stables, s'inscrivant sur la durée, Sega elle essaya à plusieurs reprises d'être en avance sur son temps, que ce soit en termes de caractéristiques techniques ou de fonctionnalités, souvent avec un succès relatif. Sega fut aussi une des premières entreprises du secteur à faire plusieurs versions de la même console, que ce soit pour un lifting visuel comme pour économiser les coûts ou prolonger la vie de la console. Pour illustrer tous ces propos, nous pouvons prendre l'exemple de la GameGear : console portable en couleur, bien plus puissante et connectée que la GameBoy de Nintendo, c'est pourtant cette dernière, qui pour plusieurs raisons, rencontrera un succès mondial alors que la GameGear restera loin derrière et aura une durée de vie assez courte en comparaison avec sa concurrente. À la fin, Sega, malgré sa victoire sur le marché nord-américain, ne réussi jamais à surpasser Nintendo.

Passons maintenant à notre sujet : alors que Sega Of America (SOA) essayait d'augmenter les capacités techniques de la MegaDrive et ainsi allonger sa durée de vie au regard de son énorme succès en Amérique du nord (puis latine) et ses bons résultats en Europe, la maison mère à Tokyo, Sega of Japan (SOJ) était elle fidèle à sa réputation de chercher à être toujours à l'avant-garde, elle planchait maintenant sur la prochaine génération de console, la génération des 32 bits.

En 1992, alors que le sujet de la console de nouvelle génération avait pris un peu de retard, il y avait deux projets sur la ligne de départ : le Sega32x, une extension matérielle pour la MegaDrive, et la Saturn, une nouvelle console intiallement prévue avec un port cartouche qui serait rapidement remplacé par un lecteur CD (la rétrocompatibilité avec la MegaDrive fut un temps envisagée, mais l'idée fut abandonnée dans la peur de nuire au marché de cette dernière). Mais ce qui est intéressant, c'est que ces deux projets n'étaient pas une alternative, ce n'était pas l'un ou l'autre, ils devaient tous d'eux être réalisés. Le premier devait permettre de gérer une 3D basique, des polygones, sans textures, alors que la seconde serait une reine de la 2D mais avec un meilleur un système 3D natif capable d'afficher des graphismes 3D texturés, mais qui resteraient basiques cependant, le PDG de SOJ voulant garder sa vitrine technologique 3D pour les bornes d'arcade. Sega espérait ainsi capitaliser sur son immense succès et sa toute autant immense expérience avec la 3D dans ces salles d'arcade et amener cette technologie dans nos foyers. Il est aussi intéressant de noter que Sega a en quelque sorte inventée la notion de système standard et premium pour les consoles, quelque chose devenu classique aujourd'hui : le 32X devait être un produit d'entrée dans le monde des 32 bits, ciblant les budgets limités, à contrario de la Saturn qui devait être le produit phare.

Initialement, l'histoire du 32X repose sur deux choses : la première est la volonté de SOA de prolonger la vie de la MegaDrive, malgré l'échec du MegaCD (SegaCD en Amérique), et deuxièmement sur la crainte de Sega de se faire devancer par d'autres entreprises car le projet de la Saturn prenait un peu de retard. Alors que la MegaDrive continuait sa vie avec succès en Amérique du Nord, le projet 32x fut ainsi créé par SOJ. Mais à cause des tensions naissantes entre cette entité et SOA, la colloboration fut mauvaise et le projet finalement refourgué, c'est le mot, par SOJ à SOA, sans que ceux-ci n'aient rien demandé et surtout dans de très mauvaises conditions, pour que SOJ puisse se concentrer sur la Saturn. Le coup était dur. Si les relations entre la maison mère et celle aux Etats-Unis n'avaient pas toujours été bonnes, cela ne faisait qu'aggraver la situation : non seulement SOA se retrouvait à devoir gérer un projet auquel elle croyait mais pour lequel elle n'avait pas pu se préparer, mais en plus elle se trouvait exclue du projet Saturn, qui représentait pourtant l'avenir de l'entreprise.

Le développement de la Saturn pu alors suivre un bon rythme, le sujet avançait bien, malgré quelques difficultés, et alors que Nintendo annonçait, en partenariat avec Sony, une extension CD pour sa Super Nintendo, de la concurence pour le 32X, chez Sega on ne se fit pas d'inquiétude, ils étaient en train de prendre les devants avec leur nouvelle console. Cet état d'esprit ne changea pas lorsque quelques mois plus tard Sony et Nintendo annonçèrent la fin de leur partenariat, le projet d'extension pour la Super Nes étant ainsi annulé, et que Sony expliqua travailler seule sur son propre projet, nommée "Play-Station". Dans un sens, il est possible que Sega pensa que cela faisait bien ses affaires.

Cependant quelque chose d'important, de capital même avec le recul, se passa fin 1992. Une entreprise nommée Silicon Graphics, qui était devenue célébre dans l'industrie du cinéma pour ses réalisations matérielles et logicielles ayant permis notamment de modéliser les dinosaures du film Jurassik Park, contacta Sega. Leur offre permettrait à Sega d'utiliser leur puce 3D dans leur nouvelle console. Une démonstration fut réalisée devant les ingénieurs de chez Sega, mais malgré que ces derniers aient été très impressionnés par les performances et les capacités du composant, ils restèrent pessimistes, notamment sur l'architecture du processeur et sa consommation (concernant les raisons de ce refus, les sources varient).  Ainsi, Sega rejeta la proposition, décidant de continuer avec le processeur Hitachi que les ingénieurs avaient sélectioné lors de la phase de design de la Saturn, même si ce processeur était manifestement très inférieur à celui de Silicon Graphics.

Le problème, ce n'est pas tant ce refus, c'est que Sega n'a pas vu Nintendo arriver dans son rétroviseur. Après l'abandon du projet conjoint avec Sony, Big N s'était lancé dans la conception de la machine amenée à remplacer la Super Nintendo. Sega ne s'en faisait pas trop, considérant être en avance sur le rival, mais il est probable que plus tard les cadres de SOJ furent désagréablement surpris quand Nintendo et Silicon Graphics annoncèrent, à la fin de l'été 1993, un partenariat entre les deux entreprises.  Cela signifiait deux choses : premièrement Nintendo venait de combler en grande partie son retard, mais surtout que la nouvelle console de Nintendo serait supérieurse à la Saturn !

Sega 32x

Le Sega 32x. surnommé "The mushroom" (le champignon) était un composant qui s'insérait au-dessus de la Megadrive II. Il était censé être un système d'entrée de gamme dans le monde des 32 bits. Si SOA cherchait à prolonger le succès de la Megadrive en Amérique, elle ne voulait pas de ce "machin" (dixit le boss de SOA), pour qui il valait mieux faire une nouvelle console 32 bit directement.

Le pire était à venir. L'année 1993 réservait encore une bien mauvaise suprise pour Sega : en fin d'année, Sony fit une démonstration des capacités de sa future console devant un parterre de développeurs travaillant pour divers éditeurs (vous pouvez voir par exemple la démo du T-Rex sur Youtube). Les programmeurs présents furent époustouflés devant la qualité et la fluidité de l'animation. Pour Sega, ce fut une deuxième claque sévère. L'entreprise se retrouvait, en quelques mois, d'une position de leader et avant-gardiste sur le marché, à celle d'une entreprise se retrouvant avec deux sérieux concurrents dont les machine seraient ou semblaient supérieures à sa Saturn !

À ce moment-là, les choses auraient pu devenir totalement différentes, Sega aurait pu mettre en pause ou alors complètement repenser son projet. Mais au lieu de celà, SOJ commis une seconde erreur, après le refus de la proposition de Silicon Graphics : l'entreprise décida de continuer avec le projet Saturn, mais en faisait une modification importante "de dernière minute" sur l'architecture de la console : l'ajout d'un deuxième processeur, alors que la notion du multi-processing était encore très peu connue dans l'industrie. Un choix brilliant techniquement mais pas très rationnel et que la console allait trainer comme un boulet durant toute sa vie active et même un peu après quand viendra le temps de l'émulation.

Un autre problème à mentionner, et de taille : le coût de production. La console de Sega serait très chère à produire, Sega ne fabriquant pas ses propres composants. En face, Sony allait proposer une console au coût de revient moins élevé, la marque fabriquant elle même ses composants. Un problème majeur quand viendra, rapidement, le sujet de la guerre de prix.

1994-1995 : un lancement raté

Maintenant attachez-vos ceintures puisque nous allons accélérer.  Hormis ce changement d'architecture douteux, SOJ ne changea rien dans ses plans, soit confiante soit aveugle. Pire encore, quand l'entreprise découvrit que Sony lui était passé devant et pourrait livrer sa console avant la sienne, les dirigeants décidèrent de mettre en vente la Saturn plus tôt que prévu. Ainsi, c'est une console complexe et diffiîle à maîtriser qui fut mise sur le marché fin 1994 au Japon avec un kit de développement (SDK) complexe, et presque aucune documentation technique. Pire encore, la sortie anticipée faisait que les chaînes de production n'étaient pas prêtes pour suivre la demande, et pour "masquer" ceci, SOJ eut la mauvaise idée de distribuer sa console via des partenaires "privilégiés". Tout le monde fut pris de court : Sega of America qui considérait déjà la Saturn comme trop complexe, les éditeurs, les revendeurs et les clients. Non seulement les stocks furent vitent épuisés, frustant les acheteurs, mais de nombreux revendeurs en voulurent à Sega pour ne pas avoir été séléctionnés. Pour aggraver les choses, les revendeurs devaient distirbuer la console à prix coûtant... Cette rancoeur durera longtemps, certains refusant de distribuer la Saturn puis plus tard la Dreamcast, ce qui évidemment n'aidera pas Sega dans sa conquête... Quelques semaines plus tard, Sony fit l'inverse : elle commença la vente d'une console moins chère, à l'architecture plus simple, conçue pour faire de la 3D, livrée avec un SDK bien mieux conçu, de la documentation et des échantillons de code. En plus de ceci, le line-up de la console grise était déjà intéressant alors que celui de la Saturn était famélique et surtout n'allait pas évoluer pendant plusieurs mois ! Sony battait ainsi Sega sur toute la ligne et ce dès le départ. Il est curieux de savoir ce que SOJ pensait à ce moment-là, mais il est certain que pour ne pas perdre la face, il n'était plus possible de faire marche arrière. La Saturn ne s'en relèvera jamais, et cela faillit tuer Sega quelques années plus tard.

Du côté de SOA, cela grognait sévèrement. Non impliqués dans le projet Saturn qu'ils trouvaient en plus inadaptés, les dirigeants américains furent en plus dépossédés des choix marketing qui étaient à présent imposés par la maison mère au Japon. Et pire que tout, le 32X, ce fameux champigon que SOJ leur avait refourgué, fut un fiasco, la production fut donc arrêté après seulement un an, avec pour seul fait notable d'avoir "perturbé" les joueurs qui ne comprirent pas pourquoi Sega proposait deux plateformes 32 bits, Sega n'ayant pas fait une communication claire à ce sujet, un problème unanimement reconnu par les acteurs de cette époque, Sega n'arriva pas à présenter une ligne claire.

Revenons au problème principal : l'architecture de la Saturn. Votre entreprise peut se remettre d'erreurs marketing ou de lancement si elles sont traitées rapidement, ce que Sega ne fit pas vraiment. Par contre, pour l'architecture de votre produit, c'est plus compliqué de devoir tout refaire à un moment aussi avancé. Sega allait donc devoir réagir. Les premiers jeux 32 bits sur Saturn et PSX (Playstation) étaient laids, mais la courbe d'apprentissage pour les développeurs était beaucoup plus douce pour la PSX alors que sur la Saturn des témoignages semblent laisser comprendre que de nombreux développeurs eurent la migraine en essayant de dompter la console de Sega, quand ils y arrivèrent ou n'abandonnèrent pas avant, nous le verrons plus tard. Selon les termes utilisés par certains développeurs ayant travaillé sur la console : c'était parfois un cauchemard, il fallait maitriser le système de double processeurs graphiques. Certains studios décidèrent de n'en utiliser qu'un, d'autres choisirent de les utiliser avec des techniques diverses, comme par exemple un pour gérer l'arrière plan et l'autre pour gérer les objets en 3D. De plus, les deux processeurs n'avaient pas exactement les mêmes caractéristiques. Un autre problème concernait la gestion de la transparence, native sur PSX mais encore une fois gérable de plusieurs façons sur la Saturn. De plus, la console de Sega avait aussi des limites : à la différence de sa concurrente qui permettait de créer des polygones de plusieurs formes, la Saturn ne permettait de créer que des rectangles ! Toutes ces difficultés firent que la console de Sega n'eut rapidement pas bonne presse chez les développeurs, les éditeurs décidant de produire des jeux sur ce support par ambition, croyant encore en la Saturn, ou pour cibler tout le marché des 32 bits. Comme vous le verrez dans cet article, chez certains cette ambition ne durera pas longtemps... D'ailleurs, nous aborderons cela plus loin, de nombreux jeux sortis sur la Saturn étaient des portages de la version PSX, et ce portage était souvent bâclé, réalisés avec des moyens insuffisants, ne permettant pas de tirer le meilleur de la console de Sega, alimentant au passage la rumeur - infondée -que la console de Sega était nettement moins puissante que sa rivale, la rendant de fait moins attractive et donnant ainsi de moins en moins envie aux développeurs de s'investir sur ces projets. Un cercle vicieux.

Saturn motherboard

La carte mère de la Sega Saturn. Pour certains, une conception (un rattrapage) ingénieux, un raté pour d'autres.

Nous allons arrêter ici la liste des erreurs de Sega avec sa Saturn, l'aveuglement de SOJ étant bien documenté ailleurs. Continuons. Après donc une année sur la marché, la situation est mauvaise pour la console : la Playstation brille partout dans le monde alors que la Saturn ne connait le succès qu'au Japon, l'exact opposé de ce qui s'était passé pour les consoles précédentes de Sega. SOJ, qui affirmait encore 3 ans plus tôt que son nouveau support matériel allait dominer le monde des jeux vidéos pour 5 ans, est déjà en train de réfléchir à comment concevoir une remplaçante pour la Saturn ! Le projet, nommé intialement Saturn 2 puis Katana, changera plusieurs fois avant de devenir la Dreamcast. Toujours est-il que SOJ a déjà conscience d'avoir été aveugle, trop confiant, et que les prochaines années vont être une longue et difficile lutte pour essayer de rattraper certaines erreurs et limiter la casse. On peut donc affirmer que, fin 1995, Sega s'est perdue dans ses idées, avec un catalogue de 5 consoles ! Pour des pertes, sur l'exercice, d'environ 1 milliard de yens.

1996: l'année du redressement !

Pourtant, les choses semblèrent aller mieux, la console se faisait peu à peu sa place. Fin 1995, les efforts pour rattraper ses erreurs semblent commencer doucement à payer. Tout d'abord, la situation financière reste positive pour l'entreprise, qui vient de vendre cette année-là environ 2 millions de ... MegaDrive dans le monde, pour le plus grand plaisir de SOA qui montre que la vieille console a encore quelques beaux jours devant elle notamment en Amérique du sud. De plus pour la Saturn, toujours leader sur le marché japonais, les choses vont mieux. Sur les autres marchés, bien que déjà larguée par la Playstation, les ventes augmentent et quelques éditeurs commencent à produire des jeux de qualité, en nombre insuffisant pour le moment. Sega a du montrer la voie : la branche logicielle a adapté plusieurs jeux de sa série "Virtua", célèbre sur arcade, pour en faire de beaux portage sur la Saturn. L'exemple de Virtua Cop parle de lui-même, montrant au monde du jeux-vidéo que la console pouvait produire et gérer une bonne 3D (la réputation d'infériorité de la console était déjà bien faite), montrant aussi aux éditeurs tiers qu'ils n'avaient pas à ce soucier de ce point. Enfin, Sega avait fini par distribuer un SDK (deux selons certains sources), de la documentation et des librairies pour aider les développeurs. Les choses changeaient, positivement, même si évidemment Sony mettait une grosse claque à Sega.

 

Saturn Mark 1

La première version de la Saturn pour le marché occidental. La seconde avait de nouvelles manettes et les boutons de la console étaient ronds et gris.

Les choses continuèrent positivement durant l'année 1996, Sega semblait mettre enfin la Saturn sur la voie d'un petit succès derrière l'écrasante victoire globale de la PSX. Malgré le manque cruel d'un jeu Sonic et de "system-seller" (des jeux qui vous font acheter la console) et le fait que la plupart des références venaient alors de Sega, la console commença à trouver son public et les éditeurs regardèrent à nouveau dans sa direction, finissant par produire des hits également sortis sur Playstation : Pandemonium, Tomb Raider, Resident Evil (bien que plus tard, fin 1997 pour des raison évoquées plus loin)... Sega semblait enfin avoir réussi après tous ces coûteux efforts à presque faire oublier les ratés du début alors que la Nintendo 64 allait entrer sur le marché et que le travail sur la Saturn II avançait. Pour se donner un coup de pouce, Sega proposa des packs comprenant la console avec des jeux, et refit le design de la machine, visuel mais aussi électronique, afin de réduire les coûts prohibitifs de sa production et continua à porter des succès arcades sur sa 32 bits : Virtua Cop 2 et Sega Rally.

De plus, l'arrivée de la N64 donna l'idée de produire une nouvelle manette, analogique, parfois vendue avec le hit exclusif produit par Sega : Night into dream. À cela s'ajouta un modem pour jouer en ligne (le Netlink), une carte d'extension mémoire de 1Mo augmentant les possibilités de développement. La Saturn commençait à se rendre sexy malgré ses défauts intrinsèques, et des jeux qui avaient connus un certain succès eurent une suite, par exemple avec Bug Too et Panzer Dragoon Swei. Sega prend en cette année des actions et trace les plans pour assurer un avenir radieux à sa console : l'arrivée du Netlink doit être accompagnée de "6 à 8 jeux" proposant le jeux en réseau par Internet d'ici fin 1998. L'analyse du marché et de ses propres difficultés permet à Sega de se rendre aussi à l'évidence : SDK ou pas, les studios ont besoin d'aide. En cette année 1996 des notes internes montrent déjà que l'entreprise a conscience que les studios tiers manquent de compétences et le résultat est que l'on sait déjà que les ports de Destruction Derby ou Wipeout seront inférieurs à ceux de la PSX. Sega of Ameria propose alors  de 1) arrêter de financer des portages directs et plutôt d'investir dans des studios en leur donnant les moyens de tirer partie des capacités de la console et que la PSX ne pourrait pas égaler et 2) toujours selon cette note interne, de s'assurer que les meilleurs titres sortis sur la console de Sony soient également développés (et donc avec une qualité équivalente) sur la Saturn. Un voeux qui restera en l'état, nous le verrons.

Mais ce n'était pas tout et Sega ne comptait pas s'arrêter là ! Et on le comprend, puisque le projet Saturn II n'allait pas être disponible avant longtemps, il fallait gagner de l'argent avec la Saturn. D'un point de vue matériel, l'année qui arrivait s'annonçait prometteuse : Sega annonça en effet pour 1997 la sortie d'une nouvelle extension mémoire, de 4Mo cette fois, énorme pour l'époque, puis d'un port de son hit arcade Virtua Fighter III, une référence du genre, portage que l'entreprise promettait d'être de qualité égale, et pour y arriver, elle allait distribuer une extension matérielle permettant de grandement améliorer (et simpifier ?) les capacités 3D de la machine. Début 1997, les cadres de Core Studio (Tomb Raider) étaient à Tokyo où ils purent voir d'eux-mêmes une démo jouable de Virtua Fighter 3, avec deux personnages jouables. Entre-temps, Sega avait émis le souhait de limiter le développement de jeux 2D et de pousser la 3D, une ironie quand on sait que la console avait été conçue au départ comme une console 2.

Avec tous ces plans, Sega semblait plus que vouloir limiter la casse mais tenter de reprendre en main le destin de la Saturn, en lui donnant de nouvelles capacités matérielles qui lui permettraient de se rendre plus attractive que la PSX. Cette année 1996 se clôt ainsi positivement par un communiqué un peu enjolivé - certainement pour donner plus de confiance aux éditeurs - de SOJ qui confirme le leadership de la Saturn sur le marché nippon et son énorme progression des ventes ailleurs. Les mauvais jours seraient-ils tous passés ?

Sega Saturb analogic controller

La manette analogique de la  Sega Saturnétait bien conçue, et servira de base de travail pour celle de la future Dreamcast.

Cependant pour être exhaustifs, nous devons aller plus loin que ce joli tableau. Certes nous avons déjà dit que Sega avait un peu enjolivé son communiqué de fin d'année en interprétant les chiffres avec une certaine largesse, mais il y n'y avait pas que cela du côté négatif du bilan de l'année. Commençons par la mauvaise nouvelle de la démission de Tom Kalinske, le PDG de SOA, qui a du supporter toutes les mauvaises idées et les directives de SOJ, nous y reviendrons plus tard. La seconde mauvaise nouvelle est financière et ne suprendra personne : avec ce mauvais départ et les efforts énormes qu'elle fait et ceux qu'elle va encore faire pour donner une chance à la Saturn, Sega perd énormément d'argent (certaines sources mentionnent 83 Euros de 2022, par console), un facteur aggravé par le fait que Sony puis Nintendo vont lancer une guerre des prix, abaissant les prix de ventes de leur machine, Sega étant obligé de les suivre. Enfin, malgré les chiffres encourageants et le communiqué de SOJ, l'écart entre la PSX et la Saturn se creuse toujours plus au moment où la Nintendo 64 entre sur le marché. Pire encore, d'après les prévisions, la PSX va bientôt prendre la tête du marché nippon. L'année 1997 sera donc déterminante pour la console et l'entreprise.

1997: la rechute avant l'agonie

Après deux années de lutte avec Sony et un malgré un départ raté, Sega semble avoir enfin été capable de remettre la Saturn sur la voie, parvenant presque à occulter les défauts de la console et les erreurs des débuts. Sega ne se fait peut-être plus d'illusions sur l'issue de la guerre des consoles qui se joue à ce moment là tant l'avance de la Playstation est immense est continue de croitre, mais l'entreprise espère tirer son épingle du jeu face à Nintendo, l'ennemi de toujours, afin de rester dans une dynamique positive avant de lancer la génération de consoles suivante, encore une fois avant les autres.

Ainsi les annonces pour cette année 1997, nous l'avons vu, sont enthousiasmantes. Les observateurs se frottent déjà les mains devant l'intense bagarre qui va se jouer entre la Playstation, la Saturn et maintenant la Nintendo 64. Malheureusement, les fans de la Sega vont vite déchanter et l'année va être une année noire, leur frustration étant à la mesure des attentes qu'ils avaient.

En 1996 donc, les sorties sur la Saturn de hits qui étaient également distribués sur PSX semblèrent montrer au monde qu'à présent les deux frabricants luttaient à armes égales et que Sega avait su convaincre les éditeurs tiers que sa console valait la peine et que les ventes justifiaient la sortie de leurs meilleurs jeux sur cette console, et que les extensions matérielles promises allaient leur donner encore plus de possibilités et faire de meilleurs jeux que sur la PSX. Cependant, c'était trompeur, nous l'avons dit les chiffres, malgré leur réelle hausse, faisait que la Saturn était toujours plus distancée, la hausse de popularité de la console restant en dessous de la hausse de celle de la Playstation, et puis surtout, surtout... il y eu cette séquence d'évènements catastrophiques qui firent qu'en 6 mois tous les espoirs furent partis en fumée.

Les uns après les autres, créant peut-être un appel d'air, les éditeurs tiers majeurs arretêrent de concevoir des jeux pour la console ou alors lui accordèrent beaucoup moins d'attention que la concurrente de Sony. La raison ? Ce n'est pas encore les contrats d'exclusivité signés avec Sony, ce sera pour plus tard. Non en fait il y a deux raisons : la première est que les performances de la console (techniques et financières) ont toujours tendance à faire réfléchir les développeurs et les éditeurs, remettant en cause le fait d'investir temps et argent pour développer des jeux sur ce support, et la seconde est que Sega est en train d'être brisée par une lutte interne et que ces dissensions sont visibles de l'extérieur, ce qui n'inspire pas de la confiance, et que surtout, cette lutte va aboutir à un volte-face de l'entreprise. Voyons tout celà en détail.

1- Les éditeurs tiers s'en vont

Nous avons évoqués qu'au début de la vie de la console certains éditeurs avaient été refroidits par l'absence de SDK adapté puis par les maigres ventes de la machine. Certains avaient tout de même franchit le pas, d'autres non, par exemple le studio français Adeline Software envisagea brièvement de porter son superbe Little Big Adventure sur la console de Sega mais renonça. Les choses semblèrent donc pourtant s'améliorer en 1995 et 1996.

Revenons en 1996. Les fans de Sega ont vu progressivement arriver plusieurs hits sur leur machine favorite, soit via leur sortie effective dans les magasins soit par leur sortie pour début 1997, des hits publiés également sur Playstation ce qui montrait enfin que la console noire pouvait faire jeu égal avec la grise. Listons quelques-uns d'entre-eux : Tomb RaiderResident Evil (fin 1997, voir plus loin), Destruction DerbyAlone in the dark 2Pandemonium (juin 1997 pour celui-ci, nous verrons plus tard pourquoi), Die Hard Trilogy (janvier 1997), DoomQuake.

À présent, pour cet avenir radieux qui se présente pour la Saturn, les fans voient dans les magazines spécialisés que certaines suites sont annoncées et que la console les aura toutes, cette année ou pour début 1998. Mais au fil des mois, les mauvaises nouvelles se succèdent. Que s'est-il passé ? Voyons cela encore via des exemples concrets.

Tomb Raider Saturn

La Sega Saturn n'aura jamais la suite de Tomb Raider. Si vous êtes curieux, vous pouvez trouver sur Youtube des comparaisons entre les versions Saturn et PSX du premier épisode, montrant les difficultés de la console de Sega.

Petit commentaire pour illustrer un peu plus les difficultés rencontrées par les développeurs pour créer de bons jeux sur Saturn. Concernant le jeu Die Hard Trilogy, certaines sources mentionnent le fait que le studio sollicita l'aide de Sega pour achever le portage sur la Saturn.

L'absence de suite sur ces hits furent un coup violent porté au destin de la Saturn car c'était ce genre de jeux qui faisaient acheter une console. Mais ce n'était pas tout : la Saturn allait encore être frappée par des évènements importants :

Parmi les autres jeux annulés sur la Saturn, nous pouvons aussi citer de futur hits sur les autres plateformes : Coupe du Monde 98, Gran Theft Auto, Croc 2, Fighting Force, Diablo, Heart of Darkness... Si pour certains les raisons ne sont cependant pas claires, elles le sont pour Heart Of Darkness : le jeu, d'abord attendu pour juillet 1997 puis pour septembre de la même année, devait être une exclusivité sur Saturn (pour les consoles, mais avec ensuite une version PC), mais le développement pris tellement de temps que quand le jeu aurait été prêt, le marché de la Saturn n'était plus viable. Ce problème de la viabilité a également condamé GTA et Nuclear Strike, la suite du bon Soviet Strike (un des rares jeux mieux réalisés sur Saturn que sur PSX car, dans ce cas, sorti plus tard, permettant de corriger certains bugs), et qui était prévu pour fin 1997. Cette cascade d'abandon fera du mal à la console, nous privant d'un possible Virtua Cop 3 (annoncé en interne pour fin 1998), même si certains titres annoncés sur la Saturn seront finalement produit sur la Dreamcast : Resident Evil 2, Virtua Fighter 3 ou Shenmue (prévu au départ pour mai 98 sur Saturn).

2- Le premier abandon de Sega

Nous avons beaucoup parlé de ce qu'il se passait sur le terrain, maintenant abordons ce qui se passait dans les coulisses plus en détail. Au fil des années les tensions entre Sega Of America et la maison mère Sega of Japan s'étaient aggravées et bien connues du public, SOJ laissant moins en moins de liberté à la filiale américaine en charge du marché occidental. Des différences d'opinions et sur la vision du futur de l'entreprise étaient les principales sources de tensions. Tout cela a bien été illustré par la réception des différents produits de Sega sur les différents marchés. Alors que la MegaDrive et avant elle la Master System furent de grands succès en Amérique et en Europe, elles restèrent loin derrière les consoles de Nintendo au Japon. Avec la Saturn, ce fut l'opposé, ne connaissant un succès, de plus en plus limité, qu'au Japon. L'impact de ce succès uniquement domestique est dur car il alimente un cercle vicieux : dans une optique de limiter les pertes, Sega commence, fin 96 début 97, à couper progressivement les vannes de certaines budgets, y compris des traductions (par exemple, la version francisée de Tomb Raider, annoncée en mai 1997, ne verra le jour que grâce à des modeurs 26 ans plus tard) . Le résultat ? Certains hits comme Lunar ou Grandia ne sont pas portés en occident, privant la console de ces très bons jeux qui font aujourd'hui le plaisir des collectionneurs qui ont acquis une console japonaise.

En plus de cela, la Saturn, de la conception à la distribution, fut sous le contrôle total de SOJ alors que pour les consoles précédentes SOJ était en charge de la conception mais laissait le marketing et la communication aux filiales, avec un certain succès. Cela ne pouvait qu'augmenter les tensions entre SOJ et SOA, et en plus, le fait que la MegaDrive était encore un succès en Amérique, avec encore de la place dans l'avenir, alors que SOJ poussait la Saturn, n'a pas aidé, la console devenant un ennemi de nombreux cadres en dehors du Japon. Parmi eux, nous avons abordé le cas de Tom Kalinske, le PDG de SOA. Depuis le départ, il considérait le positionnement marketing de la console et la stratégie de prix inadaptés. De plus, il s'avait que l'architecture complexe de la console allait poser des problèmes, mais SOJ n'en tint pas compte et Tom Kalinske a du executer les ordres de SOJ, ce qui inclut ceux qui conduirons au lancement désastreux de la console sur le marché américain et ses débuts très diffiçiles. Néanmoins, Kalinske et ses équipes firent leur possible pour donner une chance à la Saturn, une console qui coûtait cher à l'entreprise, mais malgré cela, entre les dissensions avec SOJ et les ratés du début, Kalinske finit par jeter l'éponge à la mi-1996. Suite à son départ, SOA fut réorganisée et le projet Saturn, pour sa partie logicielle, passa entre les mains d'un homme nommé Bernie Stolar.

Croc

Croc "The Legend of the Gobbos" fut un des derniers jeux produits à la fois sur Saturn et PS1. Bien que très lègèrement inférieure à sa concurrente, la version Saturn était une réussite (si on ne tient pas compte du bug qui forçait à démarrer la console avant d'insérer le disque sinon la tête du personnage n'était pas visible, une erreur détectée trop tard et qui forcera l'éditeur à insérer une note dans le boitier de chaque jeu). Il en était de même pour Riven, la suite de Myst, qui reçu des notes aussi bonnes que la version PS1. Citons encore un exemple : World League Soccer 98, qui était aussi beau et fluide que la version PSX.

Stolar était l'ancien vice-président de Sony Computer Entertainment America, et dès qu'il rejoignit Sega, il sembla essayer de continuer de faire la même chose que Kalinske : limiter la casse avec la Saturn tout en préparant l'avenir. Cependant, il alla surtout droit au but en affirmant que selon lui Sega devait "tuer la Saturn" et préparer l'avènement de la prochaine génération de console pour l'entreprise (chose qui était déjà en cours, mais Stolar voulait clairement que l'entreprise s'y consacre pleinement sans continuer à perdre de l'argent avec la Saturn). Il fut aidé quelques mois plus tard, malgré quelques nouvelles annonces de hausse des ventes de la console, par la publication de chiffres toujours plus alarmants : malgré ces hausses, l'écart en termes de ventes entre la Saturn et la PSX se creusait de plus en plus, on vendait toujours plus de Playstation, et Sega perdait toujours plus d'argent car l'entreprise devait toujours suivre ses concurrents dans la guerre des prix, ce qui commençait à mettre l'entreprise en danger. 9 mois après son arrivée chez SOA, Stolar fut promu chef des opérations et reçu la mission de préparer le futur de l'entreprise : c'est à dire la sauver. Avec les quasi pleins pouvoirs, il n'allait pas perdre de temps.

En effet, en juin 1997, il envoya indirectement un message au monde du jeux vidéo, au milieu d'une interview anodine lors de l'E3 à Atlanta. Deux simples phrases firent de lui le Nemesis de la plupart des fans de la marque au hérisson : "Nous avons fait une erreur avec la Saturn" et "La Saturn ne représente pas notre avenir", annonçant au passage une nouvelle console pour fin 1998 au Japon et un an plus tard dans le reste du monde. Ces deux phrases peuvent en effet paraitre totalement anodines, en effet il reconnaissait ce que tout le monde savait déjà, que Sega avait cumulé les boulettes avec la Saturn et que la marque voulait passer à autre chose. Cependant, ce message fut perçu comme une annonce claire : Sega n'accordait plus d'importance à sa console, seulement 3 ans après sa sortie. Ces deux phrases n'ont certainement pas aidé au moment où les développeurs tiers et les potentiels acheteurs commençaient à hésiter de plus en plus à investir dans la console, à un moment où la PSX recevait toutes les suites aux hits mentionnés plus haut et d'autres exclusivités comme Final Fantasy VII et que d'autres étaient annonçées.

Cela en était fini de la Saturn.

Rajoutons une petite note pour plus de clarté et d'honnêteté : j'ai lu à plusieurs reprises sur des réseaux sociaux que l'on attribuait la cascade d'annulation de jeux sur Saturn à la sortie de Bernie Stolar à l'été 1997. C'est faux et injuste. Si l'on regarde l'agenda des annulations, on peut se rendre compte qu'elles sont bien étalées sur 1997 et début 1998, soit avant et aprés la fameuse phrase du boss de Sega. De plus rappelons que les ennuis sont venus intialement de SOJ en 1992.  À l'époque, les efforts de SOA en 3 ans avaient fait que Sega détenait alors 50% de parts de marché aux Etats-Unis contre 15 petits pour-cents aux Japon. Il semblerait que les nippons aient mal vécu que les américains y arrivent mieux qu'eux et qu'en plus ils se permettent de leur dire qu'ils étaient mieux à même de savoir ce que le public américain attendait. Le résultat fut que les japonais reprirent le contrôle sur tout, de la conception de la console à quasiment toute la stratégie commerciale, avec le résultat que l'on connaît. Le boss de SOJ, finira d'ailleurs par le payer en étant rélégué à un poste presque sans aucun rôle décisionnel. Mais c'était trop tard.

Conclusion

Dans les quelques mois qui suivirent la vision du futur de la console changea du tout au tout. De l'espoir et l'excitation, les fans furent conduit vers un futur sombre leur laissant trois choix : 1) attendre et voir 2) attendre la prochaine console de Sega (alors devenu le projet Katana) ou 3) vendre leur Saturn pour acheter une machine concurrente (ce que je fis moi-même, avant de racheter une Saturn en 2006). Pour ceux qui doutaient, le reste de l'année confirma leurs craintes que la console serait abandonnée, la quantité de jeux produits chuta et les hits disparurent pratiquement, restant cantonnés au marché japonais car cela ne valait pas le coup de les porter sur le marché européen ou américain (et là encore, à l'instar des productions précédentes, les studios ne firent pas toujours l'effort de réaliser un portage au niveau de la version PSX, comme par exemple pour Castelvania: Symphony of the night, qui, s'il avait des fonctionnalités non présentes sur la version PS1, ne tirait clairement pas parti des capacités 2D supérieures de la Saturn).  Au début de l'année 1998, les nouveaux jeux devinrent de plus en plus rares (même si certains étaient très bons) alors que la Playstation était en train de prendre le pas sur la N64 et devenir la console (et la marque) de référence pour plusieurs années (et encore elle n'avait pas encore reçu certains hits comme Metal Gear Solid, Parasite Eve ou Silent Hilll). Parmi les derniers jeux publiés sur le marché occidental pour la Saturn, FIFA 98 et NHL 98, des semaines après la version PSX, furent dédaignées par la critique, car nettement en dessous de la version des concurrentes (une critique qui avait déjà été faite l'année précédente pour FIFA 97).

Finalement la fin officielle de la Saturn, dont les premiers bruits couraient déjà au printemps 1998, au moment où sortait les derniers titres notables (Riven, Panzer Dragoon Saga*...), fut annoncée le 5 novembre suivant, même si quelques jeux sortirent encore courant 1999, seulement sur le marché japonais cependant. Il est intéressant de se demander ce qu'auraité été le futur de Sega si la Saturn n'avait pas connu un tel destin. Est-ce que la Dreamcast serait sortie aussitôt ? Est-ce que Sega aurait continuer à supporter la Saturn et la Dreamcast comme Sony le fit avec la PS1 et la PS2 jusqu'en 2002 ? Dans tous les cas, contrairement à ce que l'on affirme, ce n'est pas la Saturn qui a tué Sega en tant que fabricant de console, elle fut juste la première étape de cette chute, dont elle ne se remis jamais. L'échec de cette console coûta une fortune au fabricant, malgré la fin hâtée de la machine. L'entreprise eut alors une deuxième chance de se remettre sur la voie du succès et retrouver son succès du début de la décennie, cette chance s'appelait la Dreamcast.

Dreamcast

La Dreamcast avait pour diffiçile mission de remettre Sega sur la voie du succès.

La suite vous la connaissez : ce ne fut pas suffisant, et cette fois ce ne fut pas vraiment la faute de Sega. La Dreamcast était une bonne console, bien conçue, et même un peu en avance sur son temps, comme la GameGear 10 ans plus tôt. Malgré des chiffres encourageants au début, la console 128 bits n'atteignit jamais les objectifs espérés et SOJ du lâcher l'affaire en 2001 : "c'était une question de vie ou de mort pour l'entreprise" dira un de ses cadres. Cette fois en effet, les coupables furent les joueurs et les éditeurs, échaudés voire en colère à cause de la fin abrupte de la Saturn et qui faisaient moyennement confiance au fabricant, et cédant aux sirènes de Sony qui survendait déjà sa PS2 avant même sa sortie (et qui en plus, avait un lecteur DVD, un argument de vente incontestable). Je me souviens en fin d'année 1999, je me baladais à la Fnac à Nîmes, il y a avait un stand où la Dreamcast était en démonstration, avec tout un attroupement autour. Je me rappelle clairement un jeune homme dire "C'est bien ! Mais on va attendre la Playstation 2". Je pense que nous avons tous entendu ce type de phrase à cette époque et que nous étions beaucoup à penser cela (j'ai encore ma Dreamcast, une super console, mais je l'ai acheté vers 2004 alors qu'elle n'était déjà plus distribuée).

Ne soyons pas pour autant aussi sûrs de nous. Les éditeurs tiers ont joué leur rôle dans cette triste histoire. EA par exemple ne voulu pas distribuer ses jeux sur cette console, j'ai lu plusieurs raisons à ce sujet, mais dans tous les cas, l'absence de hits comme FIFA ou Madden n'a pas aidé.

Par pure nostalgie, on peut se demander ce que Sega aurait pu devenir si la Dreamcast s'était suffisament vendue...

*Panzer Dragoon Saga qui sera décrit par la critique comme étant un des plus beaux jeux de la console avec des graphiques dignes de ce qui se faisait de mieux sur PSX, donnant de l'eau au moulin de ceux qui affirment que la console, une fois maitrisée, n'était pas inférieure à sa rivale. Toujours concernant ce jeu, un critique affirmera que c'est un excellent titre égal à Final Fantasy VII, et que si il était sorti sur PSX, il ferait un carton.


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